Conférence : « Simplifier le CSRD - une perspective opérationnelle » | Retour d'expérience inter-sectoriel | Bruxelles - 25 mars de 14h30 à 16h30 - Salle ASP5G1
Addresse: European Parliament, Altiero Spinelli Building,Rue Wiertz 60, Brussels;
Le 26 février 2025, la Commission européenne a présenté la proposition Omnibus, qui vise à simplifier les réglementations en matière de durabilité, en particulier les directives CSRD et CS3D..
Bien qu'elle en soit encore aux premiers stades du processus législatif, cette initiative a suscité des débats quant à son impact sur les pratiques des entreprises et la transparence en matière d'impacts sociaux et environnementaux.
Cependant, sur le terrain, les premiers retours concernant les premières mise en œuvre de ces législations sont largement positifs : alors que le nombre de rapports conformes à la CSRD continue d'augmenter, 80% des entreprises françaises interrogées se déclarent désormais satisfaites (sur la base d'une consultation de 300 entreprises en février).
La conférence a rassemblé des acteurs de différents secteurs qui ont partagé leurs points de vue opérationnels :
● Une grande entreprise engagée dans la transition, a partagé un témoignage détaillé sur la manière dont elle a simplifié et optimisé ses pratiques.
● Les fonds d'investissement d'impact utilisant ces données au cœur de leurs stratégies d'investissement.
● Des entreprises de la tech allemandes et françaises ont développé des outils permettant une conformité ESG à grande échelle.
● Un responsable politique européen a donné un aperçu des défis réglementaires et de leur mise en œuvre pratique.
● Une organisation de la société civile qui représente les voix des parties prenantes et qui applique des normes élevées en matière de responsabilité.
Replay complet :
Intervenants :
● Pascal Canfin, Membre du Parlement Européen
● Philippe Zaouati, CEO – Mirova
● Markus Adler, CEO & Co-Fondateur – CodeGaia - Leader allemand outils tech ESG
● Alexis Normand, CEO – Greenly - Leader européen sur la comptabilité carbone
● Linda Schmalbrock, lead investissements et directrice RSE, Lea Partners
● Elodie Le Breton, Directrice Stratégie - GA SmartBuilding
● Dr Nadine-Hagemus Becker, Directrice RSE, Schauenburg
● Alexia Delahousse, Vice-President chez Qonto
● Marcel Kanthak, Manager RSE,Wildboer Bauteile
● Dolly Emmanuelle Betmi, Manager CSRD, Monin
● Ludovic Flandin, Directeur CSRD R3 et Coordinateur #WeAreEurope
● Helena Charrier, Vice-Presidente FIR et membre du conseil d'administration Eurosif
Résumé de l'événement : Simplifier le CSRD - une perspective opérationnelle
Suite à la proposition Omnibus de la Commission européenne (26 février 2025), qui vise à simplifier les réglementations en matière de développement durable, notamment la directive sur les rapports de durabilité des entreprises (CSRD), un dialogue intersectoriel a été organisé au Parlement européen afin d'évaluer les implications opérationnelles. L'événement, organisé sous la bannière « Simplifier la CSRD, perspectives opérationnelle», a rassemblé des représentants de l'industrie européenne, des fonds d'investissement, de la société civile et des organismes de réglementation..
Principaux enseignements :
● Soutien généralisé pour l'adoption d'un cadre unifié,
● La simplification, pas le retour en arrière,
● Maturité opérationnelle Émergente,
● Une reforme de l'audit est essentielle,
● Soutien pour une approche à trois niveaux,
● Le décalage du calendrier représente un risque stratégique.
Des implications plus larges :
La conférence a réaffirmé que les rapports de durabilité ne sont pas un fardeau de conformité, mais un levier stratégique pour la résilience, la gestion des risques et la création de valeur. Les participants ont exhorté les décideurs politiques de l'UE à ancrer la simplification dans la réalité opérationnelle des entreprises, sans compromettre la double matérialité, la planification de la transition et l'auditabilité. La session s'est achevée sur un message clair : la clarté, la proportionnalité et la cohérence - et non la déréglementation - feront émerger tout le potentiel de la CSRD au service de la compétitivité européenne.
Interventions des principales parties prenantes :
1. Philippe Zaouati – CEO, Mirova (Investisseur à impact)
Zaouati a souligné le rôle central des données dans les décisions d'investissement. Sans CSRD, les investisseurs sont souvent obligés de « deviner » ou de combler le manque de données ESG en utilisant des approximations. Il a averti qu'en l'absence de standards de reporting, les estimations de tiers basées sur l'IA - fortement influencées par des entreprises américaines - domineront le récit, ne laissant aux entreprises aucun contrôle sur la manière dont elles sont perçues. Pour M. Zaouati, le CSRD est une question de compétitivité européenne et de souveraineté des données, et pas seulement de conformité.
2. Markus Adler – CEO, Code Gaia (Fournisseur de logiciel ESG)
M. Adler a partagé le point de vue d'une entreprise qui soutient plus de 350 PME en Allemagne. Il a exprimé sa crainte que la proposition Omnibus n'incite les entreprises de taille moyenne, qui ne seraient plus soumises aux obligations, à se désengager du développement durable. Sur la base d'éléments concrets, les entreprises qui se sont préparées à la CSRD ont bénéficié d'avantages stratégiques, passant d'une conformité défensive à une recherche proactive d'opportunités. Il a cité une étude du BCG montrant qu'un euro investi dans la construction de rapports de durabilité peut rapporter jusqu'à 19 euros de valeur ajoutée..
3. Alexis Normand – CEO, Greenly
M. Normand a fourni des chiffres concrets concernant plus de 3 000 entreprises utilisant la plateforme de Greenly. Il a souligné que les coûts et les délais sont raisonnables : environ 10 000 euros pour les moyennes entreprises et 5 000 euros pour les PME, pour un travail de 10 à 15 jours du chef de projet. M. Normand a plaidé en faveur de la certification des logiciels plutôt que d'opérer des audits fastidieux, qui peuvent entraîner des coûts supplémentaires de 40 000 à 50 000 euros. Il a suggéré une simplification par le biais d'une matérialité sectorielle soustractive et a critiqué le recours excessif à l'adoption volontaire, estimant que « la simplification ne doit pas être synonyme d'exclusion ».
4. Linda Schmalbrock – Directrice RSE, Lea Partners (PE/VC Fund)
Schmalbrock a expliqué que de nombreuses entreprises de son portefeuille s'étaient préparées pour le CSRD, mais qu'elles se retrouvaient exclues en vertu de la nouvelle proposition. Elle a souligné que la négligence en matière de durabilité équivaut à la négligence des risques, avec un impact direct sur les chaînes d'approvisionnement, l'accès aux matières premières et la viabilité à long terme. Elle a demandé un engagement obligatoire pour les entreprises de plus de 250 salariés en s'appuyant sur des outils d'intégration simplifiés tels que la VSME, et a prévenu qu'un délai de deux ans étoufferait l'élan.
5. Elodie Le Breton – Directrice Stratégie, GA SmartBuilding
En tant que représentante d'une entreprise française de taille moyenne (800 employés), Le Breton a proposé une étude de cas : La CSRD a permis de consolider plus de 300 indicateurs de performance ESG en une feuille de route ESG stratégique et unifiée. Le processus s'est déroulé « en douceur et de manière utile », démontrant que le CSRD est un outil de transformation et pas seulement un fardeau juridique. Toutefois, elle a critiqué le processus d'audit, le jugeant trop bureaucratique, coûteux et trop axé sur le contrôle plutôt que sur la performance. Elle a recommandé des audits davantage axés sur le dialogue, en particulier pour les PME.
6. Dr. Nadine Hagemus-Becker – Directrice RSE, Schauenburg International
Représentant un conglomérat de 15 sociétés, dont la plupart comptent moins de 50 employés, Mme Hagemus-Becker a parlé de la charge écrasante que la CSRD fait peser sur les petites entités. Elle a salué les simplifications de données et d'audit de l'Omnibus, avertissant que la collecte de données avait parfois interféré avec la continuité opérationnelle. Néanmoins, elle a réaffirmé l'engagement du groupe en faveur de la durabilité et a soutenu un ensemble réduit mais normalisé d'indicateurs ainsi qu'une infrastructure de reporting entièrement numérique.
7. Alexia Delahousse – VP, Qonto
Qonto, une scale-up proche des seuils CSRD, a volontairement commencé à produire des rapports en 2024. Mme Delahousse a souligné la nécessité de disposer de repères de coûts clairs et de normes de marché, notant des disparités massives dans les devis de consultants externes (jusqu'à des différences de 10x). Elle a plaidé en faveur d'un investissement initial dans les évaluations de matérialité et d'une plus grande flexibilité discrétionnaire pour les jeunes entreprises à croissance rapide confrontées à des risques de transparence.
8. Dolly Betmi – Manager CSRD, Monin
Betmi a insisté sur la nécessité de considérer le CSRD comme un exercice de création de valeur, et non comme un fardeau de conformité. Elle s'est appuyée sur l'expérience d'une ancienne entreprise française et a souligné comment les logiciels modernes et les chefs de projet formés ont réduit la complexité des rapports. Le CSRD aide les entreprises à se positionner en tant que leaders en matière d'appels d'offres, d'engagement des parties prenantes et de réputation, en particulier dans les secteurs industriels tels que l'alimentation et la construction..
9. Ludovic Flandin – We Are Europe (Coalition +300 experts de la durabilité)
M. Flandin a averti que l'Europe risquait de s'auto-saboter en affaiblissant le CSRD alors que la Chine et les États-Unis faisaient progresser leurs normes ESG. Il a plaidé en faveur d'une approche imbriquée de « poupées russes » en matière de rapports : un cadre de base (ESRS), avec une complexité progressive en fonction de la taille de l'entreprise. Il a noté que 50 % des entreprises françaises de la deuxième vague étaient déjà prêtes et que la concurrence des prix des logiciels avait fait baisser les coûts de manière spectaculaire. Il a également annoncé la réalisation prochaine d'une enquête paneuropéenne destinée à alimenter le processus législatif.
10. Helena Charrier – VP de FIR & membre du CA d'Eurosif
Charrier a défendu la nécessité de réaliser des audits pour garantir la fiabilité des données, mais a appelé à la mise en place de mécanismes de soutien pour les entreprises de taille moyenne afin qu'elles puissent se préparer à l'audit au fil du temps. Elle a également insisté sur le maintien du principe de la double matérialité, de la transparence de la chaîne de valeur et des exigences en matière de plan de transition, tous essentiels à la prise de décision des investisseurs. Elle a souligné qu'un alignement territorial supplémentaire était crucial pour les portefeuilles internationaux.
11. Représentants d'entreprise: Wildboer, Monin,Duschoe Rainha
Trois témoignages d'entreprises ont confirmé que de nombreuses entreprises considèrent déjà la CSRD comme un avantage commercial, en particulier dans la gestion de la chaîne d'approvisionnement et l'écoconception. Mais elles ont averti que sans obligation de reporting, la dépriorisation des critères ESG serait inévitable. Plusieurs ont appelé à un soutien sous forme d'incitations financières pour les PME, de lignes directrices plus claires et de simplifications sectorielles..
Réponse parlementaire et perspectives politiques
Pascal Canfin et les députés européens ont réitéré la nécessité de trouver un équilibre : la simplification doit aider les entreprises à mettre en œuvre la loi, et non les dispenser de le faire. M. Canfin a proposé un modèle à trois niveaux (TPMI, 250-1 000, 1 000+ employés) afin de maintenir l'ambition tout en adaptant la charge. Il a reconnu la forte opposition de l'Allemagne et a demandé aux parties prenantes d'aider à comprendre la résistance des entreprises allemandes à la CSRD..
Les intervenants ont appelé à mobiliser l'opinion publique et les entreprises à travers l'Europe afin de contrebalancer le lobbying en faveur de la déréglementation. Les décideurs politiques ont souligné que la dynamique politique actuelle risquait d'être dominée par des discours de retour en arrière et ont encouragé la société civile et les dirigeants industriels à se prononcer en faveur d'une CSRD résiliente et pérenne.
Conclusion
Cet événement a mis en évidence que la mise en œuvre opérationnelle de la CSRD est déjà en cours et largement couronnée de succès parmi les entreprises tournées vers l'avenir. La simplification, en particulier pour les PME, est la bienvenue, mais le risque d'édulcorer la portée, la rapidité et l'ambition de la directive est réel. L'appel lancé par les acteurs de terrain était sans ambiguïté.:
“Simplifiez, mais ne l'affaiblissez pas.”
La conférence s'est conclue par un consensus sur les recommandations politiques suivantes:
● Maintenir un engagement obligatoire pour les entreprises de plus de 250 salariées,
● Soutenir les PME grâce à une norme certifiée, simplifiée et axée sur le numérique (VSME),
● Réformer les audits pour les axer davantage sur la performance et les rendre financièrement abordables,
● Veiller à ce que la double matérialité, les plans de transition et la transparence sur les émissions du Scope 3 restent au cœur des préoccupations,
● Recourir à des obligations échelonnées plutôt qu'à des exemptions générales,
● Éviter de créer un désavantage concurrentiel pour les entreprises européennes qui s'engagent dans la durabilité.